Madelaine DE MILLE

Madeleine de Mille

Celle qui « en fait voir de toutes les couleurs » à Blake et Mortimer !

Actrice de l’ombre sur plusieurs albums des reprises de Blake et Mortimer, Madeleine DeMille a la lourde tâche de mettre en couleur les planches de Ted Benoit ou André Juillard. Explications…

Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
J’ai commencé à l’Atelier Beaudry à Paris puis ensuite les Beaux Arts à Bourges. Mes premiers dessins furent pour la presse underground, à « Geranonymo ». De 1974 à 1980, à Libération, je tenais une rubrique : « Les salades de Tartine » et je participais à leur supplément « Sandwich ».

J’ai démarré la couleur avec Ted Benoit en 1980 sur Bingo Bongo, la couverture d’Hôpital, des pubs, etc., sans pour autant laisser tomber l’écriture : le texte de La Peau du Léopard, le scénario de Manoir (Serge Clerc) ainsi que des rubriques et articles dans l’Echo des Savanes.

Sur L'Affaire Francis Blake, était-ce plus difficile du fait qu'il s'agissait de la première reprise de la série (avec tout ce que cela sous-entend) et surtout que Jacobs était une référence en matière de couleur ?
Oui, il ne fallait pas se tromper. Je me sentais contrainte de travailler en référence à Jacobs. Ce fut frustrant, je manquais de liberté, mais en même temps, c’était extrêmement intéressant parce que cela me faisait explorer des voies où je ne serais pas allée toute seule. Bref, j’ai vraiment appris autre chose et j’ai adoré.

Comment avez-vous abordé la mise en couleur des albums de Blake et Mortimer ? Vous êtes-vous "inspirée" du travail de Jacobs sur ses albums ?
Complètement. J’ai refait toute une charte de ses couleurs en indiquant les références des tubes, les mélanges, à quoi elles correspondaient, leurs costumes, leur intérieur, nuit « verte » (comme dans La Marque Jaune), toutes ces nuances qui pouvaient s’appliquer aux dessins et aux ambiances.

Comment se passe l'étape de la mise en couleurs d'un album de Blake et Mortimer ?
On imprime des bleus d’après les originaux et un film du trait. Je travaille sur le bleu. La mise en couleurs de ces albums est faite à la gouache, par choix - cela donne un effet chaleureux à part les visages, dans l’Affaire Francis Blake et l’Etrange Rendez-Vous, qui eux, sont à l’encre.

Bien sûr, avec la « magie de l’ordinateur », une fois les pages scannées, les corrections et les modifications sont plus faciles.

Comment s'opère le choix de telle ou telle couleur ?
C’est l’étape que je préfère. D’abord connaître les différents lieux où se passe l’énigme. Je fais une recherche d’images, de photos ou je pars d’une documentation dont le dessinateur s’est inspiré. Après, je travaille par séquence et par ambiance : nuit, soleil couchant, etc. J’ai le souvenir qu’avec Ted Benoit, mon bureau était rempli de monticules de livres. Parfois, je lisais plus que je ne travaillais.

Votre manière de travailler est-elle différente entre un album de Ted Benoit et un album d'André Juillard ?
Non. Il faut que je m’adapte, ce qui reste intéressant. J’ai remarqué que la corpulence des héros était différente chez André Juillard, ou que les scènes d’action étaient moins théâtrales. Cela dépend aussi du scénario.

Pour rencontrer Ted Benoit aucune difficulté, nous sommes ensemble depuis 32 ans. Et pour André Juillard, il me fait confiance, et c’est mon ami.

Le premier album de Juillard (La Machination Voronov) a été colorisé par Didier Convard. Vous avez repris la suite avec le premier Tome des Sarcophages. Pourquoi ce changement ?
Tout simplement parce que Didier Convard s’est désisté car il n’avait plus le temps. Et André Juillard, connaissant mon travail, m’a choisie.

Est-ce que certaines pages ou cases à coloriser vous ont posé des problèmes ?
Je ne suis pas toujours satisfaite des couvertures.

Allez-vous travailler sur le prochain Blake et Mortimer : La Malédiction des 30 Deniers ?
Non, j’aurais bien aimé, une nouvelle aventure ne m’aurait pas déplu.

Hormis Blake et Mortimer, pouvez-vous nous présenter vos autres collaborations à des albums ?
Dupuy et Berbérian (Le Journal d’Henriette), François Avril (Le Voleur de Ballerines), Didier Savard (Dick Hérisson), Colonel Moutarde (Le meilleur de moi), Stanislas (Les Aventures d’Hergé), Ted Benoit (L’homme qui ne transpirait pas), Pierre Nedjar (L’homme de Nulle Part).

Quels sont vos prochains projets ?
Je fais partie de l’Association Le Crayon qui vient de publier un petit livre « Les Affiches du Crayon », où comme chaque membre, j’ai dessiné une affiche de film imaginaire.

Sinon, en tant que coloriste et scénariste, avec François Avril « 160 Arpents », dont l’héroïne est un personnage de Ted Benoit, Thelma Ritter. « Un Rude Hiver » avec comme dessinateur Joe Pinelli. En, septembre « La frite Sauvage », d’après ma chronique de l’Echo des Savanes, éditée chez Alain Beaulet avec Jacques de Loustal, Serge Clerc, Stéphan Colman, Philippe Petit-Roulet,Thierry Dalby, Yves Chaland et Ted Benoit.


Interview réalisée par Ludovic Gombert le 24 septembre 2008