Yves SENTE

yves sente

Le faiseur de rêves...

Scénariste de l’une des deux équipes de reprises des aventures de Blake et Mortimer, avec André Juillard aux dessins, Yves Sente a su conserver l’esprit Jacobs tout en apportant sa touche personnelle et une dimension plus humaine aux personnages. Portant la double casquette d’auteur à succès (Le Janitor, Thorgal, La Vengeance du Comte Skarbek…) et Directeur Éditorial aux éditions du Lombard, il a bien voulu nous éclairer sur sa vision de Blake et Mortimer et sur la sortie prochaine du nouvel album : Le Sanctuaire du Gondwana.

Quelle est votre manière de travailler à l’écriture d’un scénario de Blake et Mortimer ?
Blake et Mortimer est une série axée sur trois types de sujets : le roman policier/espionnage avec parfois une trame de guerre internationale, l’archéologie et/ou les mondes perdus et enfin l’aspect plus scientifique et fantastique, avec tout ce qui s’en suit. À la base, pour un scénario, il y a une idée qui provient d’un lieu ou d’une lecture sur un sujet particulier. Il faut que quelque chose suscite mon intérêt. Je dois pouvoir me dire que j’aimerais lire quelque chose sur ce sujet.

Les lieux jouent un rôle énorme car dans une série comme Blake et Mortimer il faut essayer de surprendre le lecteur et pour cela, le faire voyager dans d’autres décors est un excellent moyen. Comme Van Hamme a situé l’action aux États-Unis dans l’Étrange Rendez-Vous, je ne pouvais donc plus utiliser ce lieu. Cela m’a fait rebondir de l’autre côté puisque les personnages n’avaient jamais été non plus en URSS (La Machination Voronov).

Donc, les scénarios de l’autre équipe conditionnent vos propres scénarios ?
Bien sûr. On les lit l’un et l’autre, on discute ensemble. On essaye parfois de récupérer les personnages inventés par l’autre équipe. En l’occurrence j’ai repris dans mes propres récits Honeychurch, l’adjoint de Blake inventé par Van Hamme et dessiné par Ted Benoit, dans l’Affaire Francis Blake. Je l’ai bien évidemment utilisé en leur demandant leur accord. Je pense que c’est ainsi, et en faisant revenir des personnages anciens de Jacobs comme Nasir, Sharkey ou Basam Damdu que l’on crée une unité de série, de collection.

Il ne faut pas qu’il y ait une trop forte césure, une trop grande dissemblance entre les albums de Jacobs et les nôtres. Il y a des différences car, évidemment, on ne fait pas du Jacobs, on fait du Blake et Mortimer, c’est une nuance de taille. Jacobs, il n’y a que lui pour en faire, tout comme Van Hamme est le seul à faire du Van Hamme. Moi je fais du Sente, mais tous, nous essayons de faire du Blake et Mortimer, à savoir conserver un certain nombre de codes fondamentaux de la série.

Ce que l’on appelle le « corpus jacobsien » !
Voilà. Ce qu’en langage scénaristique on appelle des « codes ». Qu’ils soient dans la manière d’écrire, dans le phrasé ou la manière dont les personnages se parlent. Par exemple, tout le monde se vouvoie dans cette série. On fait des subordonnées, on écrit des phrases un petit peu ampoulées, à l’ancienne.

Il y a une structure graphique en trois strips qu’on ne peut pas casser sauf cas exceptionnel. Il n’y a pas de petites cases insérées dans les plus grandes comme avec la bande dessinée plus moderne ou dans les comics américains. Les plans sont souvent à hauteur d’homme, il y a très peu de plongées ou de contre-plongées. Ce sont ces codes que le dessinateur doit respecter.

Le scénariste, quant à lui, ne doit pas oublier que l’un des héros boit habituellement du sherry et l’autre du whisky. Ils ont un passé puisque Jacobs a établi leurs biographies que l’on a utilisées pour exploiter leurs jeunesses dans Les Sarcophages du 6e Continent.

Et dans le respect de ces codes, il faut surtout parvenir à surprendre les lecteurs de 2008 avec des histoires qui se passent dans les années 50. C’est la grosse difficulté du pari : être crédible pour un lecteur d’aujourd’hui avec une histoire qui se passe dans ces années-là. Il faut trouver des thèmes qui puissent faire le lien.

Ainsi, dans Voronov, j’ai opté pour une bactérie venue de l’espace. Je suis abonné à Science & Vie et je me rends compte qu’il y a de plus en plus d’articles sur la vie qui se balade dans l’espace et que les bactéries sur les impacts de météorites, cela existe vraiment, c’est scientifiquement prouvé. C’est un thème qui n’est pas démodé donc on peut l’utiliser dans le scénario.

Dans les Sarcophages, au début de l’histoire, avec le thème de la menace terroriste sur l’Exposition Universelle, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il soit toujours tristement d’actualité.

Il faut également un thème qui puisse nous faire changer de décors visuellement. Après les États-Unis, il y a eu l’URSS, l’Antarctique et maintenant l’Afrique Noire. Peut-être que plus tard, nous explorerons l’Amérique du Sud ou l’Australie, je ne sais pas. En tout cas, il est impératif que le lecteur n’ait pas l’impression d’avoir déjà lu ou vu cet album.

En dehors de cette contrainte de sujet et de décors, il y a aussi une contrainte d’époque puisque les aventures de Blake et Mortimer se passent dans les années 50 et finalement, finissent par se chevaucher entre les albums de Jacobs et les reprises. Pensez-vous faire évoluer les personnages à des époques plus contemporaines ?
C’est une question qu’il faudrait poser à l’éditeur puisque c’est lui qui est propriétaire du personnage. C’est lui qui avait fixé au départ les reprises dans les années 50. Pourquoi ? Parce que, et je pense que c’était une bonne idée, il s’est dit : le cœur de la série Blake et Mortimer c’est La Marque Jaune. Les albums antérieurs semblaient les préparer à cette apothéose et les albums suivants, il y en a certes de très, très bons, mais sur la fin, cela faiblit un petit peu avec Sato. Donc, si on veut poursuivre le mythe, il faut retourner au cœur de celui-ci.

André Juillard m’a raconté qu’à l’époque de la reprise de Sato 2, on lui avait proposé de s’en occuper. Il avait refusé car cela ne l’intéressait pas de dessiner les voitures des années 70. Jacobs était chaque fois en phase avec son époque alors que pour nous, nous réalisons une série historique. C’est la grande différence entre Jacobs et nous. Il voulait que ses personnages s’ancrent dans le contemporain, dans l’actualité. Comme Hergé d’ailleurs, d’où la fin des pantalons de golf et l’évolution des voitures dans Tintin.

Et puis on imagine mal Blake et Mortimer se baladant à Paris en 2008 dans une Twingo ! Là, je crois qu’on mettrait vraiment le doigt sur le côté anachronique des choses. Si on voit les personnages dans une voiture actuelle avec le même physique qu’ils avaient en roulant dans une bagnole des années 40, on se dit il y a quelque chose qui cloche. Ils ne vieillissent pas.

C’est pourtant le cas pour d’autres séries, par exemple, Buck Danny ou Michel Vaillant ?
Pour Michel Vaillant, Graton a eu l’intelligence de faire vieillir son personnage : il se marie, il a des enfants, il ne court plus lui-même, son frère reprend l’usine du père… C’est déjà plus réaliste. Ou bien une série comme Thorgal où Van Hamme a fait vieillir le personnage. Mais ce ne sont pas ces codes qui sont inscrits dans le travail de Jacobs. Je trouve aussi très amusant de rester dans les années 50 et visuellement, plus intéressant.

Cela demande bien sûr beaucoup de documentation, des recherches, mais cela offre aux lecteurs quelque chose qu’ils n’ont pas forcément en allumant leur télévision ou en lisant le journal.

Dans le prochain album, Blake et Mortimer sont au Tanganyika. C’est un pays qui n’existe plus, c’est soit la Tanzanie, soit le Kenya. C’est une situation politique complètement différente : les Anglais sont partis depuis longtemps alors que dans notre album ils sont toujours présents, pour deux ans seulement puisque le récit se passe en 1958.

C’est également une manière de redécouvrir l’histoire. En tout cas, cela ne m’intéresserait pas d’écrire un scénario qui se passerait en 2008. Si c’est pour faire une histoire contemporaine, autant inventer d’autres personnages, comme je le fais avec le Janitor.

Jacobs était favorable à la continuité de son œuvre, y compris avec un style de dessin différent. Or, jusqu’à maintenant, le style reste le plus fidèle possible à l’original. Est-ce que cela a été un débat lors de la reprise et est-ce envisageable de voir évoluer le style, comme c’est le cas par exemple pour Spirou ?
Non, pas du tout. L’éditeur s’est calé sur la Marque Jaune aussi bien sur les codes narratifs que graphiques. Et puis maintenant cela paraît tellement évident que plus personne ne pense à faire un album dans un autre style. Je ne pense pas que ce serait une bonne idée.

Autant sur Spirou, je pense que les changements graphiques fonctionnent auprès du public parce que dans la tête de tout le monde Spirou, c’est autant Rob-Vel que Jijé, Franquin, Fournier ou Janry… Il y a une tradition un peu du genre « tout le monde s’y met » sur cette série depuis son origine alors que chez Jacobs, même si son style graphique changeait presque à chaque album, il se dégage comme une sorte de réalisme clair que le lecteur a envie de retrouver.

Est-ce que vous pourriez concevoir une histoire sans Olrik ?
Pour ma part oui. Il faudrait demander à l’éditeur s’il serait d’accord, parce que cela fait partie des codes demandés. J’avais toutefois signalé qu’Olrik n’apparaissait pas dans Le Piège Diabolique, ce à quoi on m’a répondu, et c’est vrai, qu’à l’époque , le journal Tintin avait reçu une quantité de lettres réclamant le retour d’Olrik. Jacobs n’a ensuite plus osé s’en débarrasser mais il avait compris qu’avoir toujours le même « mauvais » dans l’histoire finit par être compliqué. Cela casse une partie du suspens.

Parce qu’on sait d’avance qui est le méchant !
Oui, mais il faut aussi jouer avec cet élément et parvenir à surprendre malgré cette contrainte. Van Hamme avait fait une tentative dans l’Affaire Francis Blake où l’on voyait Olrik et Blake sur la couverture, tous les deux à table. On se demandait : « Tiens, Olrik est devenu gentil ? Ils sont devenus amis ? ».

Dans Voronov, j’avais transformé Olrik en militaire soviétique et dans les Sarcophages, je l’ai allongé dans un sarcophage pour qu’il me laisse tranquille pendant deux albums (rires) et j’ai encore trouvé une autre subtilité pour animer Olrik de manière inédite dans le Sanctuaire du Gondwana.

Ah ! Je n’en suis qu’à la moitié grâce à la prépublication dans le journal La Dernière Heure… On a la réponse dans la dernière planche ?
Oui, dans la dernière planche. Je ne vous dis rien avant!

Bon. Donc qu’Olrik n’apparaisse pas dans une prochaine aventure est tout à fait concevable ?
Oh oui ! Je crois que de toute façon on va bien y venir un jour, sinon on va tomber dans le ridicule. Sauf si une excellente idée se présente afin de le mettre en scène mais il est vrai que cela devient un peu plus difficile chaque fois.

Dans le même esprit, reverrons-nous un jour le Dr Voronov ?
Qui sait… C’est vrai qu’il a disparu, on ne sait pas où il est. Enfin, moi j’ai une petite idée mais… Il réapparaîtra sûrement. Si ça se trouve, ce sera dans dix ans.

À la fin de Voronov, on ne sait si Olrik s'est échappé ou non. Aviez-vous une idée qui n'a finalement pas été exploitée ?
C’est aussi un code Jacobsien. Il n’explique pas chaque fois comment Olrik s’évade après avoir été pris dans l’album précédent. Olrik disparaît, puis il réapparaît. Cela fait partie aussi du jeu. S’il se fait attraper à la fin de chaque histoire, on ne va pas expliquer comment il s’évade au coup suivant. Encore que dans le prochain Van Hamme, que Sterne avait commencé à réaliser, il nous montre une évasion d’Olrik.

Vous êtes le premier à avoir dévoilé une partie de la jeunesse de Blake et Mortimer. Comptez-vous renouveler des flashback de ce style et notamment pour en apprendre un peu plus sur Olrik ?
Pour Olrik, tout serait à inventer parce que Jacobs n’avait pas écrit grand-chose sur lui. Il le décrivait simplement dans sa biographie comme un être mystérieux, venu d’un pays de l’est, point !
Tandis que sur Blake et Mortimer, Jacobs nous a donné leur cursus universitaire complet : où ils ont été à l’école, vers quelles années, etc. Du coup, il y avait une vraie matière à exploiter qui n’était en rien un crime de lèse-Jacobs, comme disent certains puristes, puisque c’est Jacobs lui-même qui avait installé cette biographie.

D’ailleurs, on la poursuit gentiment dans le dernier album, avec dans les premières pages, Mortimer évoquant ses mémoires. De nouveau, on redécouvre des bribes du passé de Mortimer.

Je trouve que par petites touches, c’est très intéressant de leur donner une consistance psychologique. Petit à petit ils deviennent plus humains et ne sont plus seulement des personnages de papier qui démarrent tout de suite leurs aventures en se connaissant dans le Secret de l’Espadon. Fatalement, ils ont eu une jeunesse, des études, des amis, des amours… Je crois qu’il est important aujourd’hui, si on veut que cette série reste vraisemblable, de crédibiliser avant tout les personnages.

Cela débouche parfaitement sur une de mes questions suivantes. Vous avez ajouté un certain nombre d'éléments qui ne sont pas présents chez Jacobs, notamment des sentiments et de l'émotion, que l’on retrouve peut-être encore plus dans le dernier album. Une volonté affichée ?
En tout cas, pour moi, c’est l’idée. Je me souviens que lorsque j’étais gamin, en lisant Les Cigares du Pharaon, je voyais Milou pleurer sur la tombe de Tintin parce qu’il le croyait mort. Dans l’épisode du Tibet, on voit Tintin qui pleure en pensant que Chang est mort. Haddock et Tournesol, ils s’engueulent tout le temps et quand Tournesol est kidnappé, Haddock est effondré, déprimé dans son fauteuil. On le voit, son regard est triste.

Je trouve qu’une des forces de la série Tintin, c’est ça : les petits moments d’émotion qui viennent rendre les personnages très humains. Et cet aspect des choses manquait un peu dans Jacobs.

Par ailleurs, nous sommes en 2008 et les lecteurs attendent autre chose que des petits bonshommes de papier qui sauvent le monde à chaque album. Il faut aller un peu plus loin. Quand on regarde aujourd’hui les séries télévisées, la psychologie des personnages est très fouillée. Elles sont d’ailleurs, de ce point de vue là, plus riches que le cinéma qui n’a qu’une heure et demie ou deux heures pour s’exprimer. Les séries télévisées ont je ne sais combien de dizaines d’heures par saison. Quand on regarde les mangas, ce sont des briques entières où toutes les émotions et les mouvements sont très décrits, très fouillés.

Avec notre Blake et Mortimer, tout en respectant les codes essentiels de base, le corpus Jacobsien comme vous dites, il faut aussi pouvoir séduire la partie moderne du lecteur d’aujourd’hui. Et pour cela, il faut, par petites touches, humaniser les personnages comme, je pense, Jacobs ferait aujourd’hui s’il était vivant. Et je le dis sans essayer de penser à sa place car j’ai quand même côtoyé de nombreuses personnes dans mon métier qui ont bien connu Jacobs qui souffrait parfois de ce carcan Tintin.

Il était un bon vivant, un homme qui aimait « manger la vie ». La directrice de Belvision qui travaille toujours ici et qui a bien connu Jacobs m’a raconté qu’à l’époque, la première fois qu’un projet d’adaptation cinématographique de la Marque Jaune au cinéma a été envisagé, les adaptateurs avaient émis le souhait de pouvoir intégrer un personnage féminin dans l’histoire pour justement être plus en phase avec le public. Jacobs était très enthousiaste, il trouvait ça très bien. Si on lit le Rayon U, il y a des personnages féminins et de très beaux. Quelque part, aujourd’hui, la série « se rattrape » en faisant intervenir des personnages féminins.

D’ailleurs, la présence féminine est de plus en plus importante dans les nouveaux albums, notamment dans le Sanctuaire du Gondwana, avec d’ailleurs une remarque de Nastasia sur la condition féminine.
De nouveau, la remarque de Nastasia est destinée à la crédibiliser le récit. C’est une jeune fille qui vient d’URSS et ce pays était en avance, du moins de ce point de vue là, sur l’Europe et l’ouest parce qu’une femme était considérée comme l’égale d’un homme. Au travers de cette jeune femme, c’était l’occasion d’une petite scène un peu humoristique et d’asseoir cette crédibilité.

Allez-vous continuer à scénariser des Blake et Mortimer ou rien n'est encore décidé ?
Pour le moment, ce n’est pas prévu. En tout cas je n’ai pas de discussion avec l’éditeur. Par contre, j’ai déjà eu des discussions avec André Juillard car on a envie de continuer et qu’on a au moins deux ou trois idées pour la suite.

Mais après le Sanctuaire du Gondwana, il y aura le double récit de Jean Van Hamme qui sortira… ce qui laisse le temps de réfléchir. Ce n’est pas plus mal car ce sont des histoires qui demandent de se plonger dans des documentations assez nourries et de pouvoir travailler le scénario en profondeur pour que cela coule tout seul aux yeux des lecteurs.

Pour qu’une histoire paraisse simple, elle demande énormément de temps. Beaucoup de réflexion pour que tout paraisse simple, que les ellipses ne soient pas trop grandes, que ce soit du travail peaufiné.

Y a t-il des critiques récurrentes sur vos reprises et parallèlement des félicitations qui reviennent ?
Des critiques récurrentes, oui. Parce qu’il y a la catégorie des puristes. Ce sont toujours les mêmes qui dès le premier album de reprise ont décrété que, comme ce n’est pas du Jacobs, c’est forcément mauvais. C’est la règle du jeu et cela ne me touche pas plus que ça. Si ça leur fait du bien de chaque fois répéter que « Jacobs doit se retourner dans sa tombe », ma foi...

À côté, les félicitations viennent à travers les chiffres des ventes car on constate qu’il y a de plus en plus de personnes, même plus qu’à l’époque de Jacobs, qui se jettent sur les nouveaux albums. Pour la première fois, on vient de faire la une du Figaro Littéraire. Je n’en tire aucune vanité. Je sais bien que le même scénario qui ne s’appellerait pas Blake et Mortimer n’aurait pas du tout le même succès. C’est Blake et Mortimer qui vendent. Ces ventes sont pour moi le reflet de ce besoin qu’on les gens de prolonger l’enfance, de prolonger leurs rêves d’enfants.

Je me souviens très bien quand j’avais 12, 13 ans d’avoir lu tous les Tintin et tous « les Jacobs » puisqu’ils étaient déjà sortis en albums. Quand je suis arrivé à la fin, je me suis dit : « Quoi, il n’y en a plus ? J’en veux encore ! ». J’avais envie que le rêve continue. Le succès de cette reprise démontre que nous ne sommes pas les seuls (Juillard a la même opinion que moi) à vouloir que cela perdure.

Comme le dit Jean Van Hamme : « nous sommes des mercenaires ». Nous ne sommes pas là pour soigner notre égo mais pour se mettre au service de la série. Entre les gens qui sont contents de retrouver leurs personnages favoris et les puristes pour qui, après Sato, tout s’arrête, je suppose qu’il doit y avoir différentes catégories de lecteurs plus ou moins pour ou contre. Mais on continue à faire notre travail honnêtement dans la démarche. Après, c’est le public qui juge.

Qui a eu les idées des clins d’œil à Jacobs (Sceptre d’ottokar dans La Machination Voronov et La Marque Jaune dans Le Sanctuaire du Gondwana) ?
Parfois André, parfois moi. Mais nous sommes tous les deux d’accord pour que cela reste toujours très discret.

Serez-vous en France prochainement pour des séances de dédicaces ?
Je ne peux pas vous dire. Il faut voir cela avec Dargaud France. À mon avis, on ne fera pas beaucoup de dédicaces. Les gens achètent Blake et Mortimer, ils n’achètent pas Yves Sente ou André Juillard. Ce n’est pas la même chose quand on réalise une série à soi dans laquelle on a mis des éléments plus personnels.


Interview réalisée par Ludovic Gombert le 6 février 2008, pour le site marquejaune.com.