Ted BENOIT

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De Banana à Blake

Premier dessinateur sur la difficile et périlleuse reprise de la série mythique Blake et Mortimer, Ted Benoit a su imposer, dès le premier album, une maîtrise des personnages et des décors. Sept ans après le deuxième et dernier opus du duo Benoit/Van Hamme : L'étrange Rendez-Vous, nous lui avons demandé de se replonger dans cette aventure…


La chronologie de vos deux albums de Blake et Mortimer est la suivante : L'Affaire Francis Blake se déroule en juin 1954 et L'Etrange Rendez-Vous entre septembre et octobre 1954. Ils se placent donc entre La Marque Jaune (1953) et L'Enigme de l'Atlantide (1955). Pourquoi précisément à cette période ?
J'avais été contacté avant Van Hamme pour la reprise de la série. J'avais alors écrit un synopsis sur quatre pages que l'on retrouve sommairement dans l'album. Au départ, Floc'h avait aussi été pressenti et nous avions parlé ensemble de réaliser l'histoire à quatre mains.

J'avais eu une longue discussion avec lui sur les éléments à intégrer si on reprenait Blake et Mortimer. Nous étions venus assez vite à cette idée de situer l'histoire pendant les années 50. Les vrais amateurs de la série n'aimaient pas trop la modernité des derniers albums, ce qui était logique puisque Jacobs n'y pensait pas, il vivait avec son temps. Donc, si l'on fait une reprise, on ne continue pas Sato 2, on revient en arrière. Ensuite, en discutant avec Van Hamme, on s'est vite aperçu qu'il fallait repartir sur les bases de la série, d'où une histoire se déroulant en Angleterre. Il n'y en avait qu'une seule, et de référence, La Marque Jaune.

Ce qui peut sembler facile pour les premiers albums, peut vite devenir un cauchemar pour les suivants si l'on souhaite conserver un semblant de chronologie entre tous les albums. Qu'en pensez-vous ?
Absolument (rires). Dans les erreurs chronologiques, la pire a été faite par Jacobs qui a remplacé la deuxième guerre mondiale par la troisième. Du coup, on ne sait plus où on habite, on ne sait pas si c'est un univers parallèle.

Les albums avec Van Hamme, ce sont deux histoires en un volume. Je pense que c'est plus problématique pour Sente car il a enchaîné les histoires les unes après les autres à des périodes différentes. Comme il a situé les histoires plus tard, en 1957 ou 1958, cela complique encore plus.

Cela dit, on peut encore trouver des créneaux comme par exemple entre S.O.S. Météores et Le Piège Diabolique, il y a de la marge.

Dans L'Étrange Rendez-Vous, planche 6, quand Blake prend le bus, il y a un personnage, un vieux monsieur à lunettes, assis devant lui. Il ressemble fort à Jacobs. Coïncidence ou hommage ?
Absolument pas. Le lecteur se pose souvent ce genre de question et cela m'arrive de faire des clins d'œil mais là, non. Je crois que j'ai dû partir d'une photo d'un figurant, mais ce n'est pas Jacobs. Pure coïncidence. Je ne crois pas qu'il lui ressemble en plus.

Un membre sur le forum marquejaune.com a relevé des points communs entre l'Île Noire et L'Affaire Francis Blake, est-ce volontaire ?
Oui, ça c'est vrai. Au début de l'élaboration de l'histoire, j'avais imaginé la fausse trahison de Blake, ce à quoi m'a répondu Van Hamme que jamais le lecteur n'y croirait (et il avait raison), ainsi que la fuite vers l’Écosse, ce qui pour moi venait plus du film Les 39 Marches, que de l'Île Noire.

C'est vrai que du coup, il y a un parallèle avec l'album de Hergé qui est assez évident. Cela dit, tous les autres détails de l'histoire viennent de Van Hamme. J'aime bien, quelque part, non pas faire du plagiat ou un décalque de l'histoire, mais évoquer un univers que les gens connaissent. L'évocation des 39 Marches, cela met le lecteur, en tout cas ceux qui ont vu le film, dans l'ambiance. Pour L'île Noire c'est pareil, avec cette espèce de quête, cette remontée vers le Nord, arriver vers la mer, une île, l'état sauvage…

On associe souvent le scénario de L'Affaire Francis Blake ainsi que la référence à Hitchcock et Les 39 marches à Van Hamme, le scénariste. Toutefois, c'est vous l'instigateur de cette idée car elle apparaît dans un document envoyé à Dargaud avec des recommandations sur le projet de l'album ?
Effectivement, cela apparaît, je crois, dans le livre Histoire d'un retour. J'avais trouvé cette idée de départ, qui a été la base de ma collaboration avec Van Hamme, puis c'est lui qui a développé le scénario. On a juste échangé par la suite quelques idées, mais c'est lui qui s'est occupé de tout le scénario.

Une fois qu'il avait écrit le synopsis, j'avais essayé de placer dans l'histoire une rencontre entre Blake et Mortimer sans qu'ils le sachent. On n'a malheureusement pas réussi à s'en sortir. Van Hamme a réussi à conserver l'esprit au moment où le train avec Mortimer roule devant un passage à niveau avec le fourgon de Blake (page 24, dernière case). Mon idée était beaucoup plus poussée et ils se côtoyaient plus, mais cela ne collait pas du tout avec l'histoire.

J’ai donc remplacé cette idée par quelque chose que je trouvais bien sur le moment mais qui était une erreur de ma part : dessiner le vagabond qui ressemble à Blake. Van Hamme a fait un peu grise mine, mais il ne m'en a pas tenu rigueur. L'idée du vagabond est bien sûr de lui, mais je me disais que comme Mortimer cherchait Blake, il le voyait un peu partout. Le vagabond servait de guide à Mortimer pour le remettre sur la piste de Blake. Et donc, c'est lui qui prêtait au vagabond des traits proches de ceux de Blake. Évidemment, quand vous le dessinez, cela devient objectif alors que c'est l'inconscient de Mortimer. Le lecteur se dit "ce n'est pas Blake, là par hasard ?". C'était une erreur.

Van Hamme est très pointilleux là-dessus, car il fait de la manipulation de lecteur et il y a une chose sur laquelle il a parfaitement raison : il ne faut pas lancer le lecteur sur des fausses pistes involontaires. Donc, à partir du moment où le lecteur pense que c'est Blake, on le lance sur une fausse piste et ce n'est pas bien.

Avant L'Affaire Francis Blake, vous avez déjà exploré l'univers de Jacobs au travers de publicités pour CCM Micro et la couverture du livre "Blake, Jacobs et Mortimer". Pouvez-vous nous en parler ?
J'ai commencé par la pub. C'était du vivant de Jacobs. Cela s'est passé de manière classique, c'est-à-dire que l'agence de pub pour promouvoir les conseils en informatique a décidé d'utiliser les personnages de Blake et Mortimer. Ils ont commencé par prendre des cases existantes des albums et modifier le texte des bulles. Très vite, ils sont arrivés à une impasse et ne savaient pas comment faire. Ils ont donc décidé de développer des histoires originales. Ensuite, je sais qu'ils ont dû demander à Jacobs s'il pouvait le faire et il a dû donner plusieurs noms, dont le mien, et c'est ainsi que j'ai eu le travail.

C'était votre première reprise des personnages de Jacobs ?
Oui, et c'est certain que cela a dû jouer sur le fait qu'on m'a demandé ensuite de réaliser les reprises. On pouvait juger sur ce que j'avais déjà fait. La couverture du livre s'est déroulée un peu de la même manière. Je ne sais plus si c'est Gérard Lenne ou l'éditeur qui a décidé, mais c'est également lié aux pubs.

Il y a de nombreuses références Jacobsiennes dans L'Affaire Francis Blake. Comment se fait le choix de tel ou tel hommage ?
Il y a une volonté, surtout que c'était le premier, de rappeler des éléments propres aux aventures de Blake et Mortimer, comme le Centaur Club. Sente le fait plus systématiquement et je trouve qu'il a tort, même de faire des liens avec les nôtres. C'était peut-être justifié pour le premier. Au-delà c'est une manière de se rassurer sur sa propre légitimité, mais ça donne l'impression d'un univers familial rassurant, une sorte de cocon, alors que celui de Jacobs est fondamentalement angoissant.


Cela va aussi un peu plus loin comme par exemple à la planche 23, dernière vignette de l'Affaire Francis Blake où l'on voit Olrik descendre les marches d'un escalier, avec la même tenue que dans S.O.S. Météores (planche 49, 2e vignette).
Quand c'est un dessin, cela vient forcément de moi et c'est également volontaire. Quelque part, la crainte c'est de s'éloigner de l'esprit de la série. À la fois garder, je dirais non pas son propre style, pour moi le style n'est pas l'essentiel, mais sa propre "patte" et en même temps que les personnages ressemblent à ceux de Jacobs.

Quand on compare entre ceux de Jacobs (qui pourtant avaient évolué) et ceux de Juillard ou les miens, on voit bien la différence. Il faut donc revenir aux sources et c'est pour cela que je n'hésitais pas, de temps en temps, à aller chercher des dessins chez Jacobs et à m'en inspirer très précisément.

Il y a aussi une autre case, à la planche 33, pendant l'incendie, où l'on voit Olrik avec le poing levé. C'est une image de l'Espadon (Tome 2 - planche 33 - 5e case).

On a aussi le sphinx du repaire d'Olrik dans S.O.S. Météores que l'on retrouve même sur la couverture de l'Affaire Francis Blake…
C'est également volontaire. On trouve aussi la symbolique du sphinx sur la couverture avec le côté mystérieux de Blake. Que fait-il là, à table avec Olrik ? Quel est le symbole de l'ambiguïté, de l'insondable, de l'âme humaine, c'est bien le sphinx. D'ailleurs, sur la couverture, il y a deux symboles : le sphinx pour Blake et le doberman pour Olrik car Olrik représente le mal.

Avez-vous relevé, plus tard, des erreurs ou incohérences dans vos albums ?
Dans les miens, sûrement, mais j'ai oublié. Si vous m'en sortez, je vous réponds…

Ce ne sont pas forcément des erreurs de dessin, cela peut venir aussi du scénario.
À l’époque, et c'est ça que je trouve très drôle avec Blake et Mortimer, c'est que les lecteurs adorent relever des incohérences. J'ai eu plein de courrier sur certains détails…

À mon tour donc d'en mettre quelques-unes en évidence. Dans l'Affaire Francis Blake, tout au début de l'aventure, planche 1, le Colonel Dorian Cartwight préside la réunion. La page suivante, on voit le Commander William Steele marcher à côté de Blake. Puis, planche 5, le récitatif annonce que le Colonel Cartwright déroule un écran, alors que sur le dessin c'est le Commander William Steele.
Ah, cette remarque-là, c'est la première fois qu'on me la fait !

Dans l'Étrange Rendez-Vous, à la planche 33, le récitatif indique : "un étrange petit être en blouse blanche" alors que sur le dessin la blouse est mauve.
C'est vrai que parfois il peut y avoir des problèmes avec la couleur parce que quand vous coloriez, vous n'avez pas les textes, les bleus sont à part. Dans mon cas, c'est particulier car c'est ma femme qui s'occupe de la couleur.

Toujours dans le même album, à la Planche 35, le faisceau lumineux devrait déborder en haut de la case narrative, ce qui n'est pas le cas.
Exact, je ne l'avais pas vu non plus. C'est infernal ! On passe des journées à traquer des erreurs comme ça, surtout que maintenant on peut faire des corrections à l'ordinateur, cela va plus vite. Alors que tout est fait à la main, à la gouache, on passe parfois à l'ordinateur pour faire des effets, des corrections. Par exemple, sur les rayons du faisceau de l'Étrange Rendez-Vous, il y a un petit effet de flou.

Cette erreur a d'ailleurs été corrigée dans la réédition de l'album et sur les autres éditions (notamment allemandes).
Attendez, en prenant la dernière édition (dos toilé rouge de 2008), je viens de m'apercevoir qu'ils ont oublié sur la couverture l'effet de flou des rayons ! Incroyable ! C'est un classique en informatique où l'on se trompe de fichier.

Autre petit point, toujours dans l'Étrange Rendez-Vous, à la planche 21, 3e case, dans la bulle, on peut lire : "Absence d'ongles...". Or, vous avez dessiné des ongles aux "créatures" dans toutes les cases.
Ma foi, c'est juste aussi ! Ca ne m’étonne pas (rire).

Le grand débat en ce moment, c'est justement à propos des rayons lumineux. Le rayon temporel que l'on voit dans l'Étrange Rendez-Vous comporte trois couleurs : rouge, jaune, et bleu. On sait que la lumière blanche peut se décomposer de deux façons : synthèse additive (système RGB) où les trois couleurs primaires sont le rouge, le vert et le bleu. Leur somme est le blanc. Synthèse soustractive (système CMY) : les trois couleurs primaires sont le cyan, le magenta et le jaune. Leur soustraction est le noir. Si on suit cette logique théorique, le rayon aurait dû être soit rouge-vert-bleu (le plus logique car le rayon synthétisé est blanc) soit cyan-magenta-jaune (avec synthèse noire). Est-ce un choix esthétique ou est-ce une erreur ?
Alors là, j'ai eu une grande discussion là-dessus avec mon fils à l'époque qui devait avoir quinze, seize ans. Je ne sais plus dans le scénario de Van Hamme s'il indiquait les couleurs ou si c'est moi qui ait choisi. Déjà, on ne parle pas de la même chose si on raisonne en écran de télévision ou d'ordinateur et quand on aborde les couleurs en peinture, en cinéma ou en photo. Si je ne me trompe pas, le technicolor (première pellicule couleur) c'est rouge, jaune et bleu. En cours de peinture, on avait une roue des couleurs, c'est-à-dire un cercle sur lequel étaient mises les couleurs de base, qu'on faisait tourner et on obtenait du blanc, du moins en théorie. À l’époque, j'avais appris avec le rouge, jaune et bleu. J'ai donc conservé cela en tête et je ne me suis pas posé un seul instant la question au moment de l'album.

De plus, si cela avait été rouge, vert et bleu, le résultat aurait été très moche sur la couverture. Il fallait une couleur claire comme du jaune.

Et l'anachronisme sur Charon, satellite de Pluton découvert en 1978 donc inconnu en 1954 ?
Ca c'est Van Hamme, mais vous n'êtes pas le premier à le signaler. Je me souviens qu'à la sortie de l'album, cette histoire avait été évoquée. J'aime bien ces petits détails car on apprend des choses qu'on aurait bien aimé connaître avant de réaliser l'histoire. Par exemple, il y a un ancien policier de la route américain qui nous a écrit que les lignes médianes sur les routes n'étaient à l'époque pas jaunes.

Je peux vous signaler encore autre chose. Au 4e plat de L'Étrange Rendez-Vous, il y a une reprise d'une case de l'histoire où le professeur Kaufman dit à Mortimer "C'est votre premier séjour en Amérique, Professeur Mortimer ?". On s'est rendu compte que ce n'était pas son premier voyage là-bas. Dans Un Opéra de Papier, Jacobs indique dans la biographie de Mortimer qu'il s'est déjà rendu aux États-Unis (il a été au MIT). L'image est restée telle qu'elle au 4e plat de l'album car c'était important d'indiquer la nouveauté, à savoir La première histoire qui se déroule en Amérique, mais la case a été modifiée dans l'histoire et la bulle est devenue : "C'est votre premier séjour dans l'Amérique profonde, Philip ?" (planche 14, 5e case).

Dans l'album l'Étrange Rendez-Vous, page 2, il y a un remerciement à Etienne Schreder, un dessinateur Belge. A-t-il contribué à l'album ?
Il a en effet contribué. Je suis assez peu technologie : inventer des machines, des choses comme ça, ce n'est pas trop mon truc. J'ai écrit une histoire de science-fiction et pour dessiner un robot, il a fallu que je m'inspire d'une machine à laver. Je ne pouvais pas créer un robot comme ça, c'était très difficile.

Même si dans l'Étrange Rendez-Vous, il n'y a pas beaucoup de technologie, je ne me voyais pas travailler sur le peu à faire. J'ai donc demandé à Etienne de s'occuper de cette partie. En plus, il a vraiment apporté un plus parce qu'il a de la documentation, des croquis. Il a ainsi créé le radiotéléscope et trouvé cette idée que le repaire des méchants soit une station de pompage. J'avais pensé à un vieux bâtiment industriel, mais il a eu l'idée d'une station car il possédait beaucoup de documents sur celles en Belgique. En plus, avec ce côté fin XIXe siècle, je trouvais intéressant de mettre en contraste les extraterrestres à la pointe de la technologie dans un endroit de vieille technologie.

Regrettez-vous aujourd'hui la décision d'avoir arrêté de dessiner la série ?
Non, pas vraiment. Quand j'étais jeune et que je voyais des dessinateurs prendre de la bouteille et que je sentais qu'ils prenaient moins de plaisir à dessiner, cela me faisait un peu peur.

Pour moi, ce n'est pas que je n'avais plus de plaisir, mais sur le second, je n'avais plus l'enthousiasme "innocent" du premier, même s'il m'est plus proche sur un certain nombre de choses. Dans les premières pages de l'Affaire Francis Blake, on sent que je n'ai pas encore les personnages bien en main. Mais dans le deuxième, vers la fin, entre le travail et le plaisir, le travail devenait de plus en plus lourd. J'ai eu peur de ce que ça aurait pu donner si j'avais fait un troisième album.

Et si l'on vous proposait à nouveau de faire un album ?
Non. Ce qui me prenait beaucoup de temps, c'était la construction dans l'espace, les perspectives, le côté appliqué de l'encrage. J'essaye maintenant de m'en libérer, de faire autre chose mais tout un album comme ça, c'est épuisant.

Par contre, j'étais très motivé pour bien continuer la série comme scénariste. J'avais proposé un scénario à l'éditeur, mais cela n'a pas marché. Peut-être que s'ils avaient accepté, je l'aurais dessiné. En même temps, cela aurait été dommage car je trouve qu'il vaut mieux être deux. Si l'on reprend tout seul, on risque de ne pas être assez lucide.

Vous avez fait des études de cinéma. Cela vous tenterait-il d'adapter les aventures de Blake et Mortimer ou de Ray Banana ?
Oh oui, bien sûr. D'autres choses aussi, car c'est vrai que ce projet de La Marque Jaune qui n'arrive pas à déboucher, c'est plutôt énervant.

Que pensez-vous des dessinateurs qui ne désirent pas qu'après eux survivent leurs héros : Hergé/tintin ou Uderzo/astérix ?
Je trouve qu'ils n'ont pas tort. Je comprends très bien que l'industrie de la bande dessinée fonctionne avec des héros et qu'il y a une tentation très forte de poursuivre après la mort des auteurs, ce qui n'est pas choquant puisque ça a toujours été ainsi.

Quand on a sorti la reprise de Blake et Mortimer, certains ont été choqués et ont fait comme si c'était nouveau alors que ce n'est pas vrai. Ca a été le cas pour Spirou, dont Franquin n'est pas le créateur, et pour la plupart des bandes dessinées américaines. Mais Pour Hergé, c'est évident que cela devait s'arrêter à sa mort, c'est trop personnel. Ce serait trop schizophrénique pour un auteur que reprendre du Tintin.

Pouvez-vous nous parler de l'estampe réalisée pour l'Atomium ?
Je travaille depuis très longtemps avec l'éditeur Champaka, qu'on adore tous dans la profession. Déjà parce qu'il est l'honnêteté même et qu'il a un très grand respect des auteurs. C'est donc quelqu'un à qui je ne dis jamais non. J'ai réalisé pour lui plusieurs sérigraphies de Blake et Mortimer.

Quand il m'a présenté le projet, J'ai tout de suite eu une idée, qui est quasiment celle définitive, et en fait assez éloignée du cahier des charges dans lequel il fallait vraiment représenter l'Atomium. Je n'avais pas compris ça, pour moi c'était l'esprit de l'expo 58. Du coup, sur ma première ébauche, il n'y avait même pas l'Atomium dans le dessin, juste une évocation de l'expo. Peu de monde le sait, mais la sculpture et le décor de mon dessin étaient dans un des pavillons de l'exposition. C'est l'éditeur qui m'a suggéré d'ajouter les boules en miniature par terre. Quant au décor au loin, cela vient d'une photo de la planète Mars. C'est l'Atomium dans le futur, un peu comme la fin de la planète des singes avec la statue de la Liberté dans le sable.

Allez-vous reprendre une nouvelle aventure de Ray Banana ?
Je travaille dessus mais je ne sais pas du tout quand cela va sortir. Le titre sera "Rio de las animas" et sortira chez Dargaud.

Pour finir, vous sentez-vous Blake, Mortimer ou Olrik ?
Plus Blake.

Un personnage pourtant souvent mis en retrait, en tout cas par Jacobs.
C'est pour cela qu'il m'intéressait dans l'Affaire Francis Blake : en faire le centre de l'histoire même si ce n'est pas forcément lui que l'on voit le plus. Les gens extravertis comme Mortimer me sont plus étrangers, même si cela m'amusait beaucoup de le dessiner. Blake, qui est plus statique, est moins intéressant à dessiner, mais je me sens plus Blake. Olrik, quant à lui, est un personnage de composition, c'est le traître de Théâtre. C'est pour cela que Jacobs disait qu'il était Olrik.

Interview réalisée par Ludovic Gombert le 5 septembre 2008 pour le site marquejaune.com